Artistes

Maryse Goudreau

Maryse Goudreau (née à Campbellton, Canada ; vit à Escuminac, Canada) se penche sur des enjeux sociaux, politiques et environnementaux dans des œuvres qui naviguent entre la photographie, l’art sonore, la performance, l’installation et le cinéma. Elle s’intéresse à ce qui est relégué dans la marge de l’histoire officielle et conçoit des espaces narratifs, picturaux et littéraires pour le mettre en lumière. Depuis près de dix ans, l’artiste est fascinée par le béluga, dont elle restitue l’histoire sociale et politique à travers la création d’une vaste archive – un regroupement de données et de projets artistiques multiples – qui lui est consacrée.

Né.e
Campbellton, Canada
Pays / Nations
Canada
Vit
Escuminac, Canada
Site Web
marysegoudreau.com

Œuvres

Futurs ruisselants

L’installation Ceux et celles qui écoutent les baleines / Whales Listeners nous transporte dans un univers tissé autour de la passion pour les baleines où s’entremêlent science, folklore et spiritualité. D’un côté de la petite salle d’exposition, une alcôve accueille une multitude d’éléments qui évoquent ces animaux marins. La collection composite comprend divers objets et images, comme des ossements et des photographies scientifiques, mais aussi des sculptures et une affiche provenant du magazine 7 Jours que Goudreau conserve depuis qu’elle est enfant – autant de mémentos accumulés au fil du temps, certains produits par l’artiste, d’autres trouvés ou empruntés. Sur le mur opposé, une vidéo montre des personnes à l’écoute, des paysages fluviaux et des scènes tirées du quotidien, les images servant de points de repère ou d’ancrages visuels à la pièce maitresse de cet environnement immersif : une trame sonore diffusée séparément. Tour à tour, des personnes tentent de décrire le chant des baleines qu’elles entendent, leurs interprétations différant selon leur sensibilité propre. Baignant l’installation, les voix nous transportent sur le terrain ; à Svalbard, dans l’océan Arctique, ou sur les rives du fleuve Saint-Laurent, devant un aquarium ou au cœur d’une maison. Avec Ceux et celles qui écoutent les baleines / Whales Listeners, Goudreau explore l’animisme, cette croyance qui consiste à attribuer des propriétés anthropomorphiques aux êtres non humains, à étendre les notions d’intention, d’émotion et de compassion aux plantes, aux animaux et aux éléments inanimés – ici, plus particulièrement aux cétacés. L’œuvre rassemble les nombreuses rencontres que l’artiste a faites tout au long de ses recherches sur le béluga. Un portrait touchant d’humanité qui nous prie de porter attention à ces mammifères marins dont la voix est audible à qui sait tendre l’oreille.

Cristaux liquides

Le projet Présage de 1995 s’articule autour d’un extrait tiré du plus récent livre de Goudreau, La conquête du béluga (2020), récit qui prend la forme d’une pièce de théâtre présentant des débats politiques souvent méconnus au sujet des bélugas. Pour Présage de 1995, l’artiste s’est employée à repérer des citations qui font image, les politicien·ne·s usant abondamment de figures de styles et d’un langage connoté pour mener à bien leur argumentaire. Le projet se concentre ici sur le fragment d’une allocution faite en 1995 par Daphne Jennings, députée de Colombie-Britannique, où elle s’interrogeait sur les actions d’une mère envers son baleineau : « Qu’en est-il de ce béluga qui a laissé son bébé près d’un bateau pour que les scientifiques puissent voir ses plaies ? Les animaux savent-ils ce que nous faisons ? » Le texte se révèle à nous au fil de notre déambulation, dans un mouvement qui rappelle l’écholocalisation, la présence du corps permettant d’activer cette expérience sensible de l’œuvre et de l’espace. Le projet évoque par ailleurs une anomalie dans les habitudes de déplacement des cétacés, soit celle de leurs visites dans le port de Montréal. Goudreau envisage l’évènement de 1995 comme un présage aux récents séjours de mammifères marins dans les eaux de la métropole : un jeune béluga en 2012, puis un rorqual à bosse en 2020. Alors que ces animaux ont vu leurs populations et leur environnement menacé par les changements climatiques, le projet met l’accent sur la filiation interespèces, la conquête du béluga étant avant tout une conquête du cœur pour l’artiste. Présage de 1995 est à la fois un hommage à ces baleines blanches, notamment à la population de l’estuaire du Saint-Laurent, qui est en voie de disparition, ainsi qu’un appel à des relations interspécifiques plus respectueuses.